Il était une fois…, un drôle de pays où habitait une petite fille de presque huit ans qui s’appelait Crèmeàlaframboise. Elle habitait avec son frère qui avait cinq ans dans une grande maison toute ronde en bois de pin, qui sentait bon et qui tenait chaud pendant l’hiver.
Il s’appelait comment son frère ?
Ah oui ! il s’appelait Bonbonaucaramel. Dans ce drôle de pays, quand on avait besoin de manger, c’était facile. Il suffisait de sortir dans le jardin où il y avait toutes sortes d’arbres fruitiers. Des fruits comme vous les connaissez les enfants, des pommiers, des poiriers, des noyers, des châtaigniers etc. Mais il y avait aussi des arbres qui n’existent pas chez nous. Un arbre très pratique était le pouletier, comme son nom l’indique il donnait des fruits très gros…
Gros comment
Gros comme un poulet…
Et ce drôle d’arbre donnait des fruits presque ronds, qui avaient le goût de poulet, mais il fallait quand même les faire cuire. C’était d’autant plus utile que dans ce pays, on ne mangeait jamais de viande car on aimait trop les animaux. Il y avait aussi d’autres arbres à viande, et même un arbre à saucissons…
Mais le plus étonnant de ces arbres était le chaussier, l’arbre à chaussures… C’était pratique, mais pas tant que cela, vous allez voir pourquoi ;
Un jour Bonbonaucaramel, après avoir joué dans le jardin dit à son papa « papa, j’ai mal au pieds ». Papa regarda son fils et lui dit « - enlève tes chaussures. »
Les bouts des pieds étaient tous rouges…
Pas étonnant, Bonca (Bonca était le petit nom de Bonbonaucaramel), tes chaussures sont trop petites, eh bien on va en chercher une paire sur le chaussier.
Les enfants partent tous deux avec leur papa. Il y avait bien une quarantaine de chaussures qui étaient à peu près mûres, mais il fallait repérer celles à la bonne taille. Papa prend la vieille chaussure de son fils, grimpe sur un petit escabeau et trouve rapidement une chaussure gauche. Il la décroche avec un petit couteau, la fait essayer à son fils.
– Parfait, maintenant il faut trouver la droite.
Papa cherche, aidé par les enfants. Il finit par en trouver une autre à la bonne taille, la coupe. Aie, aie, c’est encore une gauche
Il faudrait aller voir si un voisin n’en pas une à nous échanger. Mais je ne peux pas y aller, il faut absolument que je rentre du bois pour nous chauffer cet hiver, allez y tous deux.
Les enfants prennent un petit goûter qu’ils mettent dans un petit sac à dos que porte Bonbonaucaramel, et une gourde de lait que Crèmeaucaramel porte, et ils s’en vont.
– ne revenez pas trop tard, il va bientôt faire nuit, si vous ne trouvez pas, on repartira demain.
Les enfants partent. Ils arrivent bientôt chez leurs voisins, un vieux monsieur et une vielle dame qui s’appellent Mme Noix et M. Cassis. Ceux-ci les écoutent et Mme Noix parle.
– notre chaussier est bien vieux aussi, et ne donne plus beaucoup de bonnes chaussures, mais allons voir quand même, si une paire te convient, je te la donnerai, nous n’usons plus guère nos chaussures, et de toute façon nous n’avons pas besoin de petites chaussures.
Le chaussier de Mme Noix et M. Cassis était immense, avec de grandes branches. Il avait donné beaucoup de chaussures mais hélas la plupart avaient des défauts : trouées, minuscules trop petites même pour les bébés. On ne trouva aucune chaussure. Bonbonaucaramel était bien déçu et avait mal aux pieds.
Il y avait d’autres voisins dans le village, mais malheureusement aucun n’avait de chaussures à la bonne taille, sauf peut-être Monsieur Méchant, que les enfants n’allèrent même pas voir, tellement ils avaient peur de ce méchant, qui dès fois s’amusaient à lancer des chaussures avec une fronde sur les passants.
Bonbonaucaramel pleurnichait :
– je veux rentrer à la maison, tant pis je marcherai pied nu
Crèmeaucaramel voulait continuer :
– allons dans la forêt, il y a des chaussiers sauvages…
– papa allait dit que la nuit va tomber
– mais si je te dis, il y a en a pour dix minutes
Bonbonaucaramel n’avait pas trop le choix. Il ne savait pas rentrer tout seul à la maison et il suivit sa sœur…
Les enfants s’enfoncèrent dans la forêt… Il ne faisait pas encore nuit, mais c’était pourtant déjà bien sombre, malgré un gros croissant de lune encore bien bas dans le ciel. Tout d’un coup, ils entendirent un grincement, pas très fort, puis un deuxième encore plus fort.
– j’ai peur disait Bonbonaucaramel
– Ce n’est rien, le rassurait sa sœur, juste les arbres qui grimacent parce qu’il y a du vent.
– les arbres n’aiment pas le vent ? c’est pourtant rigolo.
– non, les arbres n’aiment pas le vent, il fait tomber leurs fruits et dès qu’il est fort, il casse leurs branches, enfin pas de tous les arbres. Et même des fois, c’est le tronc tout entier qui est cassé, ou déraciné. C’est pour ça qu’ils grincent .
– tant mieux, je croyais que c’était à cause de nous ;
– mais non t’est bête.
Cheminant ainsi, ils arrivèrent à un carrefour. Crèmeàlaframboise s’assit quelques minutes sur un tronc et se mit à réfléchir. Très sûre, elle proclama « c’est pas là, et le chaussier est juste après un gros châtaignier.
Ils marchèrent longtemps. Très souvent Crèmeàlaframboise disait, c’est bientôt. Il faisait maintenant franchement nuit et toujours pas de chaussier. Ils étaient perdus dans la grande forêt !!!
– au secours criait Bonbonaucaramel. On est perdu.
– tais toi, tu m’énerves, cela ne sert à rien.
Les enfants décidèrent de rebrousser chemin. Ils marchèrent encore longtemps. Ils avaient mal aux pieds et très soif. À chaque gros arbre, Crèmeàlaframboise disait « on y presque ». Mais on n’y était jamais. Crèmeàlaframboise commençait à être très inquiète et à avoir très peur. Quelle grosse bêtise d’aller dans la forêt avant la nuit, sans le dire à papa.
– je peux plus marcher disait son frère.
– asseyons nous. On va manger le goûter se reposer… Puis on repartira. Les enfants s’assoient. Ils mangent presque tout le goûter et boivent le lait. Heureusement il faisait beau et ils n’avaient pas froid, malgré la nuit tombée.
Au bout de quelques minutes, Crèmeàlaframboise décida de repartir. Ils marchèrent encore un peu quand Bonbonaucaramel trébucha et tomba, heureusement sans se faire vraiment mal.
– tu t’est fait mal ? demande sa sœur
– non pas du tout, répondit son frère en retenant des larmes, j’ai dû tomber à cause d’une bûche.
Sa sœur revint sur ses pas et cherche sur quoi son frère a trébuché.
– regarde, c’est une chaussure sauvage, bien mûre, on doit être sous le chaussier.
Les deux enfants regardent en l’air. Non l’arbre n’était pas le chaussier. Mais il était sans doute tout près. En regardant un peu plus loin, ils finirent par trouver l’arbre. La lune était montée et dépassait les arbres et l’on y voyait plutôt mieux qu’avant. Le chaussier était là. Autour de lui, il n’y avait guère de plantes car le chaussier empêche les arbustes de pousser. Et c’était facile à reconnaître : il y avait plein de chaussures par terre.
Comme par miracle, la fatigue avait disparu. Bonbonaucaramel trouva vite une chaussure gauche, puis une droite à sa taille. Il était content…
Mais sa sœur : « on ne peut pas prendre les chaussures tombées, elles deviennent toutes pourries ». Il y avait sans doute d’autres chaussures et peut-être même à la bonne taille. Mais avec la nuit, et malgré la lune, c’était impossible de voir lesquelles étaient les bonnes. Et de toute façon la plupart des chaussures étaient trop hautes pour que les enfants puissent les attraper, même en essayant de les gauler comme des noix.
Au bout de quelques essais, les enfants repartirent. Le petit Bonbonaucaramel mit quand même ses chaussures. Ils étaient toujours perdus.
Pendant un temps très long, ils marchèrent. À un moment, Bonbonaucaramel s’assit par terre :
« je m’assois, je suis trop fatigué, je peux plus marcher, j’en ai marre…
Sa sœur dut renoncer à le convaincre de repartir. Elle s’assit aussi. Elle commençait à avoir froid et son frère s’était endormi.
Mais au bout d’un long moment, elle entendit une voix, pas forte, puis un peu plus forte. Elle finit par comprendre qu’on criait « les enfants, les enfants, Bonbonaucaramel, Crèmeàlaframboise ».
Elle cria elle aussi « papa, papa ».
Sa petite voix ne portait pas bien loin. Et son papa ne l’entendit point. Mais lui il avait une torche et il se doutait bien que les enfants étaient près de l’arbre à chaussures.
Bientôt il arriva, soulagé mais très en colère. Papa ne dit pas grand chose, simplement « on rentre », il prit son fils sur les épaules et tendit la torche à sa fille.
Le retour à la maison fut très rapide. Avec la torche et papa qui connaissait le chemin et portait Bonbonaucaramel on allait plus vite.
À la maison, les enfants se couchèrent tout de suite, sans même dîner, juste après un verre d’eau.
Ils s’endormirent tout de suite, et n’allèrent plus jamais tout seuls dans la forêt. Mais dès le lendemain, avec papa et maman, ils firent un bon pique-nique sous l’arbre à chaussures et en remportèrent quatre belles paires, cueillies sur l’arbre, que papa prépara soigneusement avec de l’escampette liquide (en ce temps là l’escampette n’était pas toujours en poudre). Il faut savoir que lorsqu’on trempe des chaussures, surtout sauvages, dans l’escampette liquide, les chaussures sont plus solides et permettent de marcher ou de courir plus vite. Évidemment, c’est moins efficace que les bottes de sept lieues, mais c’est beaucoup moins cher. Et bientôt toute la famille put inaugurer ses nouvelles chaussures. Mais comme c’était des chaussures d’un chaussier sauvage, elles étaient un peu spéciales, la gauche et la droite n’étaient pas tout à fait de la même teinte. Surtout quand on les ôtait, il fallait les enfermer car sinon elles se sauvaient et on les retrouvait dans la cuisine ou dans le jardin. Ce n’était pas très pratique. Mais c’était juste en attendant que le chaussier du jardin donne de nouveaux fruits. Et en plus, papa et maman plantèrent un nouveau chaussier domestique qui dans quelques années donneraient à tous de bonnes chaussures et remplacerait le vieux chaussier du jardin.